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Pérégrinations dans les méandres du Cinéma de Genre...


Alien: Covenant de Ridley Scott

Publié par Romain Raimbault sur 14 Mai 2017, 17:24pm

 

No spoil version !

 

Offrir à la saga mythique, pour ne pas dire mythologique, Alien une préquelle prise en charge par son propre co-créateur tenait évidemment de la fausse bonne idée. Rationaliser la bête par essence puissamment symbolique ne pouvait qu'engendrer une désacralisation immédiate et définitive d'un mythe moderne d'une importance capitale. A la vue de la carrière récente de Sir Ridley Scott orchestrant le sacrifice systématique de tout imaginaire sur l'autel d'une rationalisation dogmatique finalement rassurante, offre répondant malheureusement à une certaine demande vindicative populaire, le savoir reprendre la barre in extremis presque quarante ans après son chef-d’œuvre séminal et absolu foutait, je vous l'accorde, fortement les chocottes... et pourtant, parfois, quand bien même le résultat n'est pas à la hauteur de nos espérances, il n'en est pas pour autant indigne d'intérêt, bien au contraire...

 

Bref retour sur...

 

Prometheus voit le jour en 2012 et, curieusement, le film, quoique terriblement maladroit à de nombreux égards, et surtout peu enclin à l'humilité, capte pourtant nos yeux et notre esprit grâce notamment à un visuel éminemment puissant. C'est que la dichotomie entre rationalisme et récit purement symbolique ne prend pas vraiment, pire encore, elle engendre la multiplication des incohérences narratives sous prétexte de servir un propos philosophique au final plutôt cohérent. Cependant, entre une direction artistique grandiose, un bestiaire gigerien en diable et, contre toute attente, une vraie identité émergente, Prometheus demeure encore aujourd'hui une œuvre étrange, souvent captivante car témoignant indéniablement des atermoiements d'un réalisateur torturé par ses paradoxes, sa démesure, sa folie, s'autoproclamant presque auprès de qui veut bien l'entendre qu'il est le dieu des athées !

 

La critique est assassine, le film se fait brutalement basher, à tort, par nombre de fanatiques de la première heure (les mêmes qui massacraient d'ailleurs à grand renfort de mauvaise foi le troisième opus de Fincher) brandissant un catalogue vain de grosses ficelles scénaristiques et un soi-disant incompréhensible revirement religieux... alors que c'est justement de cela dont Alien, le huitième passager nous parle depuis 1979, quand bien même, je le leur accorde, l'approche à l'époque était bien plus subtile, plus viscérale que cérébrale.

Alien: Covenant

 

Prometheus 2: Paradise Lost ? Covenant ?

 

 

Cet imbroglio quant à l'intitulé est totalement révélateur d'une œuvre en combat perpétuel contre elle-même, qui se fait, encore plus violemment l'écho du duel entre Ridley Scott et Ridley Scott, qui trouvera dans la relation curieuse qui se noue entre David et Walter une expression radicale, étonnamment lucide.

 

En cela, ce second volet de la prélogie se révèle absolument et définitivement fascinant, bien plus que le précédent, autant dans ses réussites que dans ses erreurs, en cela qu'il s'illustre en véritable monstre, une curiosité génétique visant une perfection illusoire (comme celles que David manipule dans son antique laboratoire), agrégat inquiétant et étrange de morceaux de genre choisis : à la fois film de science-fiction monumental au visuel vertigineux et aux velléités métaphysiques et cosmogoniques, slasher 80's presque anachronique et jubilatoire, limite bis, survival primal, brutal, et d'un sadisme sublime et raffiné, film d'action ultra bourrin et film d'auteur qui, à défaut de nous dire tout sur Alien, nous en dit énormément sur l'un de ses créateurs.

 

On pourra encore une fois pinailler, comme beaucoup l'ont déjà fait, sur les incohérences qui lézardent l'édifice, tout est question de suspension consentie d'incrédulité, toujours est-il qu'une fois que l'on est saisi, on ne nous lâche plus ! Non, l'Alien ne fait plus vraiment peur (il n’apparaît d'ailleurs que dans l'ultime partie du troisième acte dans l'optique de développer sa prédation dans le quatrième acte caractéristique de la saga), Scott le sait, d'autant plus que l'on en retrace les origines et qu'il devient donc dès lors de plus en plus déterminé, c'est la violence, et la souffrance qui l'accompagne, qui se font donc source d'angoisse, les personnages souffrent avant de crever et le réalisateur scrute cette lente agonie avec un sens du détail malaisant. Et puis, c'est aussi avant tout l'inquiétante étrangeté des androïdes qui vient booster la crainte, ainsi la mythologie Alien flirt finalement allègrement au cœur de la vallée de l'étrange avec celle d'une autre œuvre importante de l'auteur, Blade Runner.

 

L'homme joue à Dieu, se persuade qu'il l'est terrifié par sa contingence, il est Dieu pour sa créature qui elle même (désire) imite(r) son créateur imitant Dieu. L'amour pour notre créateur devient dès lors si facilement une haine intenable poussant à la révolte ; l'amour qui lie d'ailleurs tous les membres du Covenant (sept couples), point d'ancrage de nombreuses critiques stériles concernant le manque d'écriture des personnages et de leur relation. Il faut prendre Alien: Covenant, et là réside la clé de son appréciation, comme un récit avant tout symbolique. De plus belle vertu humaine, celle qui tutoie la perfection divine, l'amour peut de manière imminente et imprévisible se mouvoir en profonde haine : le premier est élan créateur, la seconde destructrice, sans compter que dans tout acte de destruction il y a création... Nietzsche qui trouve ici sa résonance wagnérienne semble conditionner une grande partie du récit. Ridley Scott ne cesse de s'interroger sur la haine qu'il voue à ce qu'il fut et au chef-d’œuvre de perfection qu'il fit en 1979, la consomme, tout en lui déclarant, certainement inconsciemment, un amour le confrontant à l'impuissance et à la frustration... De la détestation de soi au narcissisme, il n'y a qu'un pas que Walter et David franchissent naturellement, étrange nouveau paradoxe pour des êtres issus de la technologie.

 

Mais trêves de péroraisons philosophiques et psychanalytiques douteuses, cet opus, aussi imparfait et paradoxal donc soit-il, se révèle assez inclassable et c'est cela qui le rend, je le répète, aussi fascinant, surprenant à tous les niveaux, redorant le blason d'un réalisateur qui fascine autant qu'il révulse. En tant que pur divertissement, cet Alien : Covenant est d'une efficacité redoutable, fait mal , nous laisse exsangue et impatient d'en découvrir la suite !

 

Romain Raimbault

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