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Naughtybear.over-blog.com

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Pérégrinations dans les méandres du Cinéma de Genre...


La Rage dans le Sang

Publié par Romain Raimbault sur 12 Juin 2017, 15:35pm

Catégories : #Un peu de fiction...

Partie I

 

Un pied dans la tombe

 

 

 

    Je n’ai jamais su faire un bon café. Pas assez, trop… je ne sais plus vraiment ce qui ne va pas. Il est toujours aussi dégueulasse. Mais je ne dois pas dormir, je me shoote. Quelle importance, il est tellement immonde que je vais tout gerber sur le plancher dans quelques minutes, tout ce que j’espère c’est que mon organisme aura eu le temps de pomper cette putain de caféine… Je ne sais pas depuis combien de temps je n’ai pas dormi ; le jour se lève, la nuit tombe, je m’en rend même plus compte… Les réveils et horloges sont morts de toute façon, plus de courant, plus de piles.

 

La fatigue, on apprend vite à l’oublier, mais pas le besoin de dormir. On comprend ce qu’est la solitude que lorsqu’on la vit vraiment ; putain de solitude ! « Je me sens si seul… » va te faire foutre ! La semaine dernière, ou peut-être cela fait-il un mois, ou une heure, peu importe, ce trou du cul de voisin est venu me voir, sa femme l’avait quitté ; remarque je la comprends ; une loque, il passe son temps à se plaindre de tout et de rien. Le monde entier lui en veut ; le monde entier ne supporte plus ses pleurnicheries voilà tout ! Je l’entends encore, frappant mollement à ma porte, moi lui ouvrant, sa gueule déconfite, rongée par la médiocrité la plus insupportable… et moi je le prends dans mes bras, « je me sens si seul… » qu’il ne cesse de me ressasser. Je l’entends de nouveau frapper, la porte vibre à chacun de ses coups… je m’approche doucement de la porte en priant à chaque seconde qu’il cesse, mais c’est peine perdue. J’ouvre, il tombe dans mes bras « je me sens si seul… » je le repousse, et lui colle le canon de mon fusil dans la bouche et le fixant droit dans ses yeux de merlans frits, j’appuie sur la détente… c’est cela que j’aurai fait si, à l’instant il avait déboulé. Remarque, je n’aurai pas gaspillé ma dernière chevrotine pour ses doux yeux, il ne le mérite même pas… Que sait-il donc de la solitude ? Te saouler la gueule seul en te ressassant tout ce qui tu as pu foirer dans ton couple en chialant toute les larmes de ton corps, fantasmer sur ta défenestration prochaine tout en sachant que tu n’auras pas les couilles de le faire, de la merde !

 

J’ai été faire un tour à la cave, ça pue, c’est insupportable… Je pensais que l’odeur y resterait confinée mais plus le temps passe et plus le fumet empestant la mort me chatouille les narines. J’ai trouvé une vieille bouteille de whisky. Un cadeau d’anniversaire, putain de bouteille, elle joue l’arlésienne depuis un bout de temps, je ne saurais même pas dire depuis quand, et pourtant les occasions n’ont pas manqué… Je ne sais pas si je dois la boire ou si je dois la verser sur cette de plaie béante pour désinfecter. Elle me fait un mal de chien, saloperie de vers, j’espère qu’ils n’ont pas pondu d’œufs. Je n’ai jamais su faire des bandages ou en tout cas, pas assez bien parce que ces petites vermines ont réussi a passer. Un bon coup de whisky les calmera de toute manière ! A votre santé !

 

    J’ai entendu du bruit dans la cave… des rats sûrement, je suis pris d’assaut par la vermine de toute part. Je ne veux plus y descendre, l’odeur est insupportable. J’ai trouvé dans la salle de bain des restes de parfum, j’en pulvérise un peu de temps en temps, je n‘ai jamais aimé, c’était à ... J’ai jamais osé lui dire. Des soirées entières en tête à tête à se retenir d’éclater de rire au mieux, à vouloir lui balancer ses quatre vérités au pire ; et puis tu jubiles quand enfin, un matin tu la vois pencher la bouteille dans tous les sens pour récupérer les dernières gouttes, trois jours de répit tout au plus. Tu profites alors de la douce odeur de sa peau, celle qui t’enivre. Curieusement, je commence à l’aimer cette fragrance industrielle. C’est fou tout ce que cela me rappelle. C’est fou ce qu’une simple odeur aussi détestable soit-elle, et d’ailleurs surtout quand elle l’est, évoque en nous. Je la vois se maquillant des heures durant, à demi nue, elle chantait souvent… Il m’arrive de croiser la porte entrouverte de la salle de bain lorsque je monte (quand ma jambe me fait moins souffrir), et, du coin de l’œil, il me semble la voir quelque fois, belle, innocente… J’ai descendu sa paire de ciseau rose et mon rasoir bien affûté et je les ai posé à mon chevet sur la table basse avec le fusil. Je reste une bonne partie du temps affalé dans le canapé face à la télé : quelle merde, elle ne fonctionne plus, en même temps, ce n'est pas plus mal... Pas que je fus un drogué du petit écran, mais bon du nouveau ne me ferait pas de mal, histoire de voir que le monde tourne encore.

 

J’ai l’impression que ça grouille dans ma jambe, ma peur dicte à mon imagination toutes ces conneries… Il parait que lorsqu’on se sent seul on voit des fourmis, peut être est-ce parce qu’elles ne sont jamais seules, elles. Moi ce sont des vers… peut être que je suis déjà mort, enterré six pieds sous terre servant de casse dalle à la faune locale.

 

    Je suis longuement resté avec le canon du fusil dans la bouche. Une ravissante petite brune à la fois familière, inquiétante et étrange apparaît dans le coin sombre qui me fait face à chaque fois que mon index se crispe et disparaît à peine ai-je renoncé. J’aimerais pouvoir la contempler plus longtemps, plus je la vois et plus je veux la revoir, plus près, plus longtemps, mais à chaque fois elle se dérobe… et cela me plaît.

 

Le soleil tape dur et s’infiltre autant que faire se peut dans le salon entre les planches de bois pourtant clouées très serrées. De temps à autre des ombres passent devant la fenêtre très vite. Elles ne font que passer, je doute qu’ils sachent que je suis là. Dix-sept, c’est le nombre de fois que l’on m’a caché une fraction de seconde le soleil avant la nuit tombée. Peut-être pourrais-je me laisser aller à quelques heures de sommeil… ? Personne ne semble savoir que je suis là et peu de risque qu’ils entrent, et puis ce putain de café je n’en veux plus, il me déchire le bide… je v

 

J’ai dormi. Je n’aurai pas dû. Je ne sais plus rien. « Quand » n’a plus aucun sens pour moi, je ne sais pas « quand » je me suis endormi ni « quand » je me réveille, je ne sais plus « quand »… et ça fout les jetons… Je préférais quand le temps me tenait par les couilles. Ça gratte dehors… j’ai regardé entre les planches de bois il semble faire nuit. Quelqu’un ou quelque chose gratte à la porte.

 

Ça n’arrête pas de gratter. Je me suis approché de l’entrée en traînant la patte, le fusil en canne de fortune, et le bruit insupportable s’est arrêté ; j’ai tourné les talons et ça recommence. Ce petit enculé joue avec moi, je pensais ces saloperies trop connes pour être sadiques ; qu’ils aillent se faire foutre tous autant qu‘ils sont. Je me suis posé dans le canapé et ça a continué, je ne saurai dire combien de temps. Ma tête va exploser, ce n’est qu’une question de temps… mais le temps n’existe plus… Puis progressivement les ongles crissant sur le bois deviennent les coups mous et plaintifs de cet enfoiré de voisin, « je me sens si seul… », il me le répète encore et encore. Mon esprit me joue des tours à nouveau, la folie me guette. Je ne sais plus ce qui est vrai…

 

    La si jolie petite brune m’est apparue de nouveau, mais la chevrotine n’est pas partie. Je veux la revoir encore, tapie dans l’ombre, souriant tendrement, les ténèbres au visage d’ange. Cet enculé dehors continue, il sait que je suis là. Le parfum n’a plus aucun effet, la puanteur s’engouffre partout.

 

J'ai la dalle. Il me reste plus que ces conserves dégueulasses, si j'en bouffe encore une, je sens que je vais crever. Qu'est-ce que je donnerai pour un steak frite, il n'y a que ça de vrai, un steak frite bordel, c'est pas la mer à boire.

 

Je pisse le sang putain, j'ai retiré le bandage et merde c'est pas beau à voir. Ça grouille... enfin je pense. Je verse une lampé de whisky au cas où, ça brûle c'est insupportable, je ne sais plus si cela me fait de bien ou si cela me tue à petit feu. J'ai trouvé une dent plantée dans les entrailles de ma cuisse... une putain de dent de gamine, une dent de lait ; je suppose qu'une fois mort tout est plus fragile, tout se décompose plus vite. Entre deux lames de parquet quelques cheveux noires maculés de sang... je pensais avoir tout nettoyé. Je suis allé chercher une boîte d'allumette, je l'ai vidé sur le sol et j'y ai glissé les artefacts macabres. Je les garde avec moi, pour me souvenir, contre mon cœur ; si je tourne taré, je ne veux pas oublier pourquoi. Le suis-je déjà ? J'ai éclaté le crâne d'une fillette de cinq ans avec la crosse de mon fusil parce que j'étais incapable de pointer le canon sur sa tête... elle m'a bondi dessus, elle m'a mordu, alors dans un élan venu de je ne sais quel recoin de l'enfer, j'ai frappé, sans regarder... quand j'ai ouvert les yeux... sa petite tête... putain... de la bouillie ; c'était un putain de carnage. La première personne que j'ai tué, c'est ma fille...

 

    La maladie s’insinue en moi, je la sens qui monte comme une petite bête vicieuse, ça me ronge, ça me dévore les entrailles. Dehors, cette raclure semble avoir passée son chemin. Ca grouille, ma plaie est béante, je n'en peux plus, le bruit est assourdissant ; j'ai décidé d'y mettre un terme, de toute manière je suis bloqué ici, c'est pas pour ce à quoi ma guibolle va me servir. J'ai du descendre à la cave. J'arrête pas de penser à elle, chaque relan de puanteur me fait un peu plus sombrer... Je pense à sa petite bouille d'ange, à ses boucles d'or, à ses grands yeux bleus, à son sourire quand je la prenais dans mes bras. Je la vois inerte sur le plancher sanglant du salon, méconnaissable... la crosse du fusil gouttant une larme écarlate sur sa peau blanche.

 

    J'ai remonté la vieille scie à métaux... Peut être que cette saloperies n'a pas eu le temps de monter bien haut, peut être que cela va l'arrêter... et si c'est pas le cas ? Ma dernière chevrotine partira-t-elle ? En aurais-je les couilles ? La ténébreuse ange me laissera-t-elle faire ? J'ai pris un stylo véléda, le seul qui fonctionne encore dans cette baraque (combien de fois je leur ai dit de les reboucher après emploi putain !) et j'ai tracé un cercle en pointillé tout en haut de ma cuisse, c'est comme ça qu'ils font à la télé et puis je n'ai pas oublié de me munir d'une ceinture histoire de faire un garrot, je veux pas me vider. Un coup de whisky, la dernière gorgée, à ma santé...

 

    J'ai souffert le martyr... Je crois avoir perdu connaissance quelques secondes au moment où l'os à cédé. La douleur a disparu... ou peut-être ai-je atteint un point de non retour. Ma jambe gît sur le sol à quelques mètres, et pourtant son fantôme me hante toujours... Je la sens encore grouillante de vers et pourtant je l'aperçois à quelques mètres de moi dans la pénombre. Elle semble s'éloigner à chacune de mes inspirations. Elle n'est plus qu'un douloureux souvenir. Le corps humain est une fantastique machine, increvable : je réalise que comme un putain de lézard, je peux être diminué et pourtant subsisté encore et encore. Nous ne sommes qu'un amas d'instincts tentant de garantir notre survie de manière quasi-indéfectible certes mais nous pourrissons sur place. Enfoiré d'instincts qui nous poussent à refuser les bras pourtant si réconfortant de cette belle salope de faucheuse. Je n'en peux plus et pourtant, je continue, je me surpasse, je me surprends à chaque instant alors que le mort serait le plus beau des cadeaux, la plus douce des conclusions, celle que je souhaite tant mais que je suis incapable de m'accorder. Parfois, je fais ce merveilleux rêve où, dans mon sommeil, j'achève de me vider sur le parquet, et, baignant dans mon sang, j'expire enfin mon dernier souffle. Mais cela n'arrive pas, j'ai l'impression que cela n'arrivera jamais, que je suis un immortel privé de l'ultime bonheur, torturé inlassablement pour avoir commis des actes bestiaux, maudit. Peut-être mon âme est-elle déjà enchaînée dans le tartare en proie aux pires sévices et ce pour l'éternité.

 

A suivre...

Romain Raimbault

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